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Ces rencontres qui te remettent les idées en place

Corte
Corte

Août 2015, en Corse, près de Corte. Nous avons parcouru à pied une bonne partie de la Corse, notre chargement sur le dos, notre chienne à nos côtés, sous la chaleur écrasante du soleil corse. À une fête de village, nous faisons la connaissance de Karine*, une jolie jeune femme pétillante, la trentaine, d’une rare gentillesse, entourée de beaux enfants, d’un mari aimant, et de vrais amis… Décrite comme ça, Karine a de quoi faire des envieux… !

Mais Karine est en fauteuil roulant.

Il n’y a pas si longtemps, elle a subi une chirurgie au niveau de l’appareil génital. Puis au réveil, surprise : elle avait perdu l’usage de ses membres inférieurs. Comme ça. Elle a confié un problème à un chirurgien, et il lui en a créé un autre… Elle a dû continuer à vivre malgré tout, s’occuper de ses enfants, garder le moral, parce qu’à 30 ans, même si un chapitre de sa vie venait de se terminer, elle en avait encore de nombreux à vivre. Tout allait juste être différent de ce qu’elle avait imaginé…

Elle raconte cela avec un franc sourire et on sent sa force morale au travers de ses mots. Ce soir-là, en Corse, curieuse et réellement sympathique, Karine s’intéresse à notre vie, à ce que nous fabriquons en Corse, à nos voyages… Nous discutons beaucoup toutes les deux. Pas longtemps, mais beaucoup. Profondément. En quelques minutes, elle m’a cernée. Elle sait qui je suis, d’où je viens, où je vais, et quel est mon plus gros « handicap » à moi… Je lui fais part des difficultés physiques et morales que j’ai eues à faire des randonnées sur plusieurs jours ainsi. J’ajoute que j’appréhende de repartir le lendemain pour 5 jours de rando avec des gros dénivelés et un sac toujours plus lourd… Bref, je me plains…

Pendant ce temps-là, les yeux de Karine sont pleins d’étoiles. Elle est admirative de mon parcours, et nos projets, passés, présents, et futurs, la font rêver. Alors que moi je suis en train de m’apitoyer sur mon sort, de mon inquiétude de ne pas pouvoir aller au bout de quelque chose que j’ai choisi de faire, Karine réussit à voir tout autre chose dans mes propos : malgré les difficultés, je suis allée au bout de ce que j’avais entrepris, au bout de quelque chose qu’elle aurait aimé pouvoir entreprendre elle-même. C’est sûr que venant d’elle, ça a une résonance toute particulière… Nous échangeons encore quelques minutes, le temps de se dire au revoir, et au moment de la quitter, elle me dit :

« Bon courage pour cette randonnée, ça va être super ! Et si à un moment, tu as envie d’abandonner, s’il te plait, pense à moi :
j’aurais bien aimé y aller tout là-haut moi. »

Elle agrémente sa phrase d’un ravissant sourire plein d’ondes positives. Sur le coup, je ne sais pas trop si j’ai envie de pleurer, de sourire, de fuir… je me sens un peu stupide en fait. C’est clair que j’allais en baver pour la randonnée qui m’attendait, mais de quel droit je me plains sachant que j’ai la chance d’avoir encore deux jambes fonctionnelles (et si elles sont douloureuses, c’est au moins qu’elles sont encore vivantes…) qui me permettent de réaliser bien des choses, dont le rêve de cette jeune femme… J’avais choisi de faire cette randonnée, de grimper tout là-haut, et il ne tenait qu’à moi de tout simplement arrêter. Ouais, j’avais le choix… Elle ne l’avait pas, ou plutôt, elle ne l’avait plus. Et par respect pour elle, j’allais aller au bout de cette aventure, quoi qu’il m’en coûte moralement.

Au bord du gouffre
Au bord du gouffre

Le lendemain, on part pour cette randonnée. Comme prévu, elle est assez difficile. De gros dénivelés sur un terrain hostile sous une chaleur torride… Rapidement, on se maudit d’avoir entreprise ça… puis on pense à Karine. On repense à son récit, à sa triste mésaventure. Par respect pour elle, on n’a pas le droit d’abandonner. Pour elle, et pour nous ! Par respect pour notre projet, par respect pour la chance qu’on a de pouvoir le réaliser ; pas question de la gâcher…

Ce qui est arrivé à Karine, et qui l’a privée d’un bon nombre de projets, ça aurait pu nous arriver à nous. Ça pourrait nous arriver… parce que ce genre de choses, ça n’arrive pas qu’aux autres. Et ça nous rappelle une fois de plus qu’il faut profiter de la chance qu’on a, et vivre nos projets quand on le peut encore…

Des rencontres comme celle-ci, on en a fait tout un tas depuis qu’on vadrouille dans le monde. Je ne les détaillerai pas toutes dans cet article, car chacune de ces personnes mérite un article entier… Mais crois-moi, ces rencontres transforment ta vision du monde et de ta vie… elles te rappellent à l’ordre si tu as tendance à trop t’apitoyer sur ton sort, elles te font voir ta chance là où tu n’arrivais pas forcément à la voir avant, elles te motivent à aller au bout de ce que tu aimes, à ne pas attendre qu’il soit trop tard pour réaliser que tu avais des projets importants qui sont tombés dans le domaine de l’impossible…

À méditer pour tes résolutions 2016… 😉

*pseudonyme

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16 commentaires

    • Jenny

      J’ai bien failli ! Mais je me suis senti tellement con quand elle m’a dit cette phrase d’encouragements, j’ai juste été incapable de dire ou faire quoi que ce soit. C’était il y a 5 mois, et ses mots sont toujours aussi efficaces sur moi, truc de fou !

  • Lair_co

    Très belle histoire et très belle rencontre 🙂
    Merci de l’avoir partagé, parce que oui, on oublie trop souvent que l’on a le choix, et qu’en être privé est ce qui nous limite vraiment. Les peurs ne sont que des barrières à franchir !

  • tania

    Oui on n oublie trop svt cette chance d avoir la santé
    C est ce que je souhaite en premier pour la nvelle année: la santé
    Je dis tirs qd la santé va le reste suit de toute façon
    La randonnée sous la chaleur j ai eu un petit aperçu le mois dernier à ilha grande pour une non sportive comme moi c t terrible mais c l aventure mais surtout j ai la chance d être valide

    • Jenny

      aaaah Ilha Grande et le littoral entre Rio et São Paulo : voilà encore un sujet sur lequel je pourrais échanger des heures !!!
      Bonne santé à toi aussi ! 🙂

  • amandine@unsacsurledos

    Très belle rencontre et très belle histoire <3 Oui, parfois certaines personnes viennent remettre les choses en perspective, par leurs mots, leur présence, leur regard… Se rappeler que nous avons choisi notre vie, nos défis… c'est aussi les accepter avec plus d'énergie et d'apaisement. C'est aussi (surtout ?) pour ce genre de rencontre éphémère qu'on voyage… 🙂

    • Jenny

      Exactement, et ce sont ces rencontres qui contribuent aux enseignements que nous apportent le voyage… des exemples de la sorte, j’en ai à la pelle, surtout quand j’habitais au Brésil… Ce sera sûrement l’objet d’un article courant 2016 !! 🙂

  • Mathilde

    Eh bien, je vais arrêter de me plaindre de ma journée de travail… On oublie souvent qu’on a la chance d’être en santé avec pleins de beaux projets dans la tête…
    Merci pour ce partage 🙂

    • Jenny

      De rien 🙂 On oublie surtout de prendre le temps de réaliser ces projets tant qu’on le peut encore, et d’apprécier la chance qu’on a de pouvoir le faire, même si ça implique des difficultés pour y parvenir…

  • Céline

    Très jolie rencontre et très bel article !

    J’aime ces instants éphémères qui nous marquent le temps d’une soirée, d’une rando, d’une vie. J’aime ces rencontres inconnues avec d’improbables passants qui, parfois sans même s’en apercevoir, nous flèchent le coeur de leurs histoires personnelles.
    Même si les voyages sont très propices à ce genre de rencontre, il arrive parfois, qu’au coin de la rue, on croise un vieil homme qui se dévoilera une heure durant et qui nous fera sourire aux larmes … c’est ce qui m’est arrivé lorsque j’ai rencontré Alain, un ancien pompier, un actuel alcoolique (http://voyagesduneplume.canalblog.com/archives/2015/12/04/33023752.html)

    Bonne continuation, bons voyages et belles randos !

    • Jenny

      Salut Céline, merci pour ton commentaire !

      Je suis bien d’accord avec toi, ce genre de rencontres peut arriver n’importe où, en voyage ou à deux pas de chez soi… Je vais de ce pas lire l’histoire d’Alain !

      Bonne année 🙂

  • Tony Lbr

    Très belle histoire! A la fin de mon voyage en Asie , j’ai voulu l’immortaliser par un tatouage sur les cotes… C’était quelques peu désagréable mais pour éviter de pleurnicher j’ai repensé à chaque moment passé en compagnie des familles et des enfants formidables qui vivait dans des situations très précaires. Je me suis dit que j’avais pas le droit de me plaindre au moins pour eux. On a la chance de voyager, de rencontrer des personnes inoubliables… donc quoiqu’on fasse on se doit de les vivre à fond, enfin c’est ma politique maintenant.

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