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C’est où, chez moi ?

Six ans qu’on ne vit plus en France. Six ans qu’on ne vit plus… chez nous. Mais sommes nous privés d’un chez nous pour autant? J’ai à un moment donné cru que oui. Et pourtant, pour la première fois en six ans d’expatriation, quelque chose d’étrange s’est produit…

Chez nous, c’est le monde

Jusqu’à maintenant, à chaque retour en France, nous disions que nous rentrions, comme si notre foyer était toujours en France, comme si finalement nous n’étions que de passage ailleurs dans le monde, juste en perpétuel passage. Ça n’est pas complètement faux, puisque nous n’avons nullement l’intention de nous installer tout le restant de notre vie au même endroit, donc nous ne sommes bien que de passage à chaque lieu où nous nous installons. Mais ce n’est pas complètement vrai non plus, puisqu’à chaque nouvel endroit, même si nous n’y restons pas une éternité, nous faisons plus que d’y être que de passage ; nous y construisons quelque chose, notre petite zone de confort.

Cette fois-ci, pour notre séjour en France d’avril 2017, quelque chose a changé dans notre façon d’appréhender les choses. Avant le voyage, nous ne disions plus que nous rentrions en France, nous disions que nous allions en France, comme nous l’aurions fait avec une destination de vacances. Et pendant le voyage, au lieu de dire que nous repartions en Australie, nous disions cette fois-ci que nous allions rentrer en Australie. J’insiste sur la nuance entre repartir et rentrer… On repart de chez soi pour aller ailleurs, et on rentre d’ailleurs pour aller chez soi. C’est ce que nous avons fait. Nous sommes rentrés chez nous, en Australie.

De ça, je ne m’en suis pas rendu compte avant ni pendant le séjour, même si je sentais bien que quelque chose était différent en moi. Nan. C’est au retour en Australie où ça m’a frappée et où j’ai pris conscience de tout ce qui avait changé dans nos discours et nos ressentis. Dès le passage de la douane, que nous avons passée pour la première fois en tant que résidents australiens, je me suis sentie chez moi. C’est en effet avec un sourire et un « how are you, mate? Welcome back ! » que les douaniers m’ont reçue… Je peux te dire que quand je reviens en France, ce n’est pas la même ; ils sont tendus les gars à la douane… ! Bref…
Nous avons ensuite pris le train jusqu’au centre ville, puis sommes montés dans le premier bus qui allait nous ramener… chez nous. Dans le bus, alors que nous passions le Harbour Bridge, je regardais par la fenêtre et avais cette vue unique sur l’Opera House et un bon bout de la baie éclairée par un doux soleil matinal. Et j’ai dit, la gorge serrée par des sanglots d’émotion (émotive, moi ?? mouahahahaha… que dalle! 😀 ) : « enfin chez nous.« .
Il nous aura fallu partir d’ici pour nous rendre compte que nous avions bel et bien toujours un chez nous, ce « home sweet home » dans lequel on se sent si bien, et qu’on continuera de transférer avec nous au gré de nos expatriations…

Home sweet home
Toupie aussi se sent chez elle (partout où ya un canap’)

Même s’il aura fallu attendre que nous soyons installés ici en Australie pour réaliser que nous avions bel et bien toujours un « chez nous », ce changement de perception n’est pas lié au fait de vivre en Australie, mais plus au temps que nous avons passé en dehors de France. À chaque passage en France, nous nous sentons de moins en moins chez nous sur bien des aspects, tandis que nous sommes chaque jour plus à l’aise avec ce que nous vivons ailleurs. La France devient de moins en moins chez nous tandis que les endroits où nous vivons le deviennent de plus en plus. Et ce n’est qu’avec le recul que je me rends compte de ça, recul de 6 ans d’expatriation…

J’ai toujours eu un attachement particulier aux pays dans lesquels on vit, j’y laisse véritablement une partie de mon coeur, de mon esprit, et c’était encore plus vrai avec le Brésil, pays qui a littéralement kidnappé mon coeur. Chaque départ définitif d’un pays est un véritable déchirement pour moi. Et je crois que d’une certaine façon, Brésil, Portugal, et Canada étaient également devenus des « chez moi » sans que je ne m’en rende compte. Dans chacun de ces pays, j’y ai créé une zone de confort. Je suis familière avec la culture, la langue, les habitudes de chacun de ces endroits, et je m’y réadapte en un rien de temps. Je ne suis pas plus chez moi en Australie que je l’ai été au Brésil, au Portugal ou au Canada. J’ai juste compris que j’étais chez moi partout où nous posons nos valises pour un p’tit laps de temps…

Photo qui représente assez bien mon attachement au Brésil

Et la France, dans tout ça ?

La France, elle reste notre pays, notre patrie, elle reste ce chez nous auquel nous sommes pourtant devenus étrangers.

On y a nos familles, et une partie de nos amis. On y a notre passé, notre éducation, notre culture. En cela, la France restera à jamais un chez nous, celui vers lequel on se tourne en cas de coup dur, celui vers lequel on aura naturellement envie de revenir si un jour on se lassait de notre mode de vie, celui auquel on va pour se ressourcer.
En parallèle, on a aussi un autre passé, plus récent : celui de notre vie d’expatriés. On s’est familiarisés avec d’autres systèmes d’éducation, on s’est enrichis de nouvelles cultures, on a appris d’autres langues. Notre quotidien est ailleurs, et ce n’est pas sans un pincement au coeur que nous constatons à quel point il s’est éloigné de certains de nos proches (revoir mon article sur les coulisses de la distance ici…) de par les changements et enrichissements perpétuels qu’occasionne notre vie aux 4 coins du monde. On ne peut pas avoir le même quotidien et les mêmes préoccupations que quelqu’un qui a poursuivi la construction de sa vie en France. Pour autant, ça n’est pas mieux ou moins bien. C’est juste différent… Et ces différences contribuent au fait que nous nous sentions de moins en moins chez nous en France.

On connait les codes, les coutumes, les petits trucs propres à chaque région où nous passons. On sait s’y adapter à tout instant même si on n’est plus complètement familiers avec certaines choses, comme le langage des ados qui sonne comme un véritable charabia. Nous sommes devenus plus familiers avec les histoires consulaires de demandes de visa que l’utilisation de la carte Vitale, mais nous ne sommes experts dans aucun des deux sujets, nous nous sommes enrichis de la connaissance de l’un tandis qu’on perdait la connaissance de l’autre…

Au final, chaque recoin de ce monde où nous posons nos valises pour quelques temps devient un chez nous, tandis que la France le devient chaque fois un peu moins tout en le restant pour toujours. Nous ne sommes jamais vraiment partis de chez nous, nous avons juste créé d’autres chez nous, ailleurs.

Être chez soi partout sans appartenir à nulle part… Je crois que c’est ça, être citoyen du monde.

Même si je n’ai pas adhéré au climat québécois, j’ai su m’y adapter pour me sentir chez moi

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24 commentaires

  • My Lifestyle & Travel

    Super article, je me retrouve un peu dans ce que tu dis…ça me fait penser à une chose ! J’ai toujours dit lorsque nous étions hors de la France » on rentre à la maison » pour désigner le lieu où nous dormions, et cela, qu’importe la durée du voyage du coup, je peux comprendre ton sentiment d’avoir un chez soi un peu partout 😀 C’est comme ci j’avais une grande maison  » la France » et pleins de petites maisons dans les autres pays que j’ai fait 😀 ! bonne journée et à bientôt 😀

    • Jenny

      Je vois complètement ce que tu veux dire ! Pour ma part, j’ai besoin d’être intégrée à la culture pour pouvoir me sentir chez moi. Bien que j’aie adoré plein d’endroits où j’ai juste voyagé (Vanuatu, Cuba, etc), je n’y ai pas vécu, donc ça n’est pas encore chez moi, même si c’est désormais familier.

  • Nath

    Excellent article ! On partage tout à fait ton ressenti ! J’ai l’impression qu’au fil des expatriations et des voyages, on se sent de plus en plus vite chez soi là où on est .Cela n’enlève en rien l’attachement à la France. Bisous

  • Caroline

    C’est toute la complexité de l’expatrié. Chercher à définir qui je suis et d’où je viens. Parce que que la réponse est multiple. On est la somme de toutes nos expériences, certaines plus fortes que d’autres. Le tout ajouté à ta culture , tes origines, les lieux où tu vis, ceux où se trouvent les gens que tu aimes. Plus tu es en mouvement plus le tout est compelex. Apres plusieurs années j d’expatriation et de voyage , aujourd’hui j’ai plus tendance à me dire « je suis » ou « je vais » plus que « je rentre » ou « je retourne » . J’adore la phrase qui illustre mon blog « Être la même ailleurs ce qui change tout. » Pour moi ça illustre parfaitement ce qui me constitue à travers ma vie nomade. 🙂

  • voyagesdemarie

    Cet article est vraiment très beau, surtout cette dernière phrase : « Être chez soi partout sans appartenir à nulle part… Je crois que c’est ça, être citoyen du monde. »
    J’adore le fait qu’il est possible de se reconstruire des « mini-chez-soi », partout où l’on va… on finit toujours par se recréer des habitudes, par transformer de plus en plus son côté « je suis un étranger », à « je connais et je peux me faire passer pour quelqu’un d’ici ». Et c’est tellement enrichissant, on est capable d’être plusieurs personnes au cours d’une même vie !

    • Jenny

      C’est tout à fait ça, et c’est grisant ! Il y a certes bon nombre d’aspects négatifs aussi, que j’aborde de temps à autre dans des articles sur les dessous de l’expatriation, mais pour autant, pour rien au monde je ne changerais mon mode de vie !

  • Stephanie

    Amen à cet article! Je dois être trop enflammée, moi je n’ai pas de mal à dire « je rentre chez moi » quand je repars de France, même si le pays où j’habite j’y habite depuis 3 mois MDR !

    • Jenny

      Oh tu sais, je pense qu’en 3 mois, si on est une personne curieuse et adaptable, on peut déjà réussir à se sentir chez soi 😉 Et c’est sûrement de plus en plus vrai au fur et à mesure que tu multiplies ce genre d’expériences !

  • Laure

    J’aime beaucoup ton article et sa conclusion ! « Etre chez soi partout sans appartenir à nulle part », c’est toujours un peu ce que j’ai ressenti sans pour autant vivre au 4 coins du monde 😉 Et je pense que oui c’est ce qui devrait être, ça éviterait sûrement de nombreuses guerres… Je me rends compte aussi que multipotentiel et multi-culturel se rejoignent souvent, sûrement pas pour rien ! Merci pour cet article 🙂

  • Anne.K

    Hello, c’est marrant un de mes premiers articles de blog (j’ai commencé en Mars) était exactement sur ce sujet: where is home? J’aime bien ce que tu dis et je m’identifie parfaitement! Et comme dit en anglais, home is where your heart is. Expatriation bien vécue= Bonheur= chez nous, en tout cas a mon avis perso!

    • Jenny

      Je vais aller le lire de ce pas !
      Je te rejoins assez sur ce lien entre une expatriation bien vécue et le fait qu’on se sente ainsi chez soi. Mais je parlerais plutôt d’une adaptation réussie, plus qu’une expatriation bien vécue, même si au final, une expatriation bien vécue passe par une adaptation réussie.

  • Maya

    Je me reconnais totalement dans ton article. Je n’ai qu’une seule expatriation à mon tableau (pour l’instant) mais cette question de « chez soi » m’a travaillée dès les premiers mois de notre installation en France (je suis belge). Très vite j’ai eu ce sentiment que la France était devenue mon chez moi tout simplement parce que mon quotidien s’y déroulait, j’y vivais dans mes meubles avec mon mari et mes enfants. A chaque retour à Bruxelles je sentais une distance se créer, je percevais tous les changements, tant dans la ville que chez mes amis et les prenais parfois comme une claque en pleine figure. Lorsque l’on vit dans un endroit, on ne se rend pas compte que comme un organisme vivant il évolue. S’éloigner confronte à ces changements qui s’opèrent sans nous. J’ai aussi remarqué comme toi que mon vocabulaire avait changé, maintenant on va « passer » un week-end à Bruxelles comme on irait à Londres. On « rentre » à la maison dès que l’on passe la frontière et que l’on est en France. Et ceci même si je sais que la France n’est pas réellement chez moi et que je ne m’y vois pas vivre à long terme (pas plus qu’en Belgique d’ailleurs!).

    • Jenny

      Merci pour ta lecture et ton commentaire 🙂 As-tu la sensation, malgré cette distance qui se crée avec la Belgique, que ça reste ce chez toi éternel auquel tu es quand même devenue étrangère d’une certaine façon ?

  • bibliblogueuse

    Très intéressant ton article ! Je me rends compte que j’utilise l’expression « rentrer chez moi » à la fois quand je rentre en France pour les vacances et quand je rentre au Japon où je vis. Pourtant, je sais que je n’y resterai pas toute ma vie, je n’ai pas des traits asiatiques si bien que je suis « l’étrangère » mais malgré tout, je me sens chez moi ici. Comme tu le dis, se créer sa zone de confort est capital. Je crois qu’on peut être heureux à plusieurs endroits, parce que chaque lieu, chaque culture, chaque personne rencontrée peut nous apporter tellement ! L’important finalement, c’est d’être bien là où on vit, et l’expatriation nous offre la chance de pouvoir nous sentir bien dans deux mondes parallèles et différents !

  • ridley

    Tu as le statut de résident en Australie, tu as donc passé beeeeeeaucoup de temps là-bas et sûrement bien plus qu’ailleurs, en y ayant probablement travaillé. Aussi tu y as visiblement un appartement. En fait, tu as vécu assez longtemps en Australie pour t’y sentir super bien. Chez nous? Pas chez nous? … c’est plutôt un problème de sémantique; comme tu le dis si bien à propos de la France « On y a nos familles, et une partie de nos amis. On y a notre passé, notre éducation, notre culture. En cela, la France restera à jamais un chez nous, celui vers lequel on se tourne en cas de coup dur, celui vers lequel on aura naturellement envie de revenir si un jour on se lassait de notre mode de vie, celui auquel on va pour se ressourcer. »
    Donc quoiqu’il en soit, tu restes une française dans l’âme.
    En fait, je comprends simplement que la France c’est chez toi, et que tu adores vivre à l’étranger.

    • Jenny

      Alors je vais reprendre point par point : non, il n’est pas nécessaire de passer énormément de temps en Australie pour avoir la résidence permanente… Au bout d’un an sur place, je l’avais (les solutions sont variées…). Au moment où j’ai écrit cet article, j’avais passé 18 mois ici, soit quasiment la même durée que j’ai vécue au Brésil ou encore au Portugal. Comme je l’explique dans cet article, ce sentiment n’a rien à voir avec le pays où je suis, ça a à voir avec la multiplication de mes expatriations qui font que je fais du reste du monde un chez moi tandis que la France l’est chaque fois un peu moins tout en le restant pour toujours. C’est ça que je dis. Mais j’aime bien ton analyse, même si elle n’est pas juste puisqu’elle tient compte de paramètres qui ne me concernent pas.

      • jorro

        Mais comment fais-tu professionnellement pour pouvoir bouger autant ? Je suis curieuse 😉 Je suis actuellement expatriée au Québec et je rêverais d’une vie comme la tienne où l’on peut changer de pays de temps en temps…mais professionnellement ça me parait difficile…

      • Jenny

        Comment je fais ? Eh bien je le choisis, et j’accepte les concessions qui vont avec, notamment le fait de ne pas avoir un parcours typique, une carrière linéaire dans mon domaine 😉 Car en effet, en dehors des grands managers qui se tuent au travail et bougent de pays en pays pour faire profiter une filiale de leurs compétences, c’est pas forcément facile de se faire une « carrière » dans un seul et unique domaine. Perso, je ne vis pas pour le travail… finir ma vie en regardant en arrière pour constater que je n’ai fait que travailler pour enrichir les plus riches tout en oubliant mes propres envies et projets, bof, très peu pour moi. Moi et mon mari gardons l’oeil ouvert sur les possibilités pour aller à l’étranger, et on provoque les opportunités pour concrétiser le départ. VIE au Brésil pour moi… VIE au Portugal pour lui… Déplacement longue durée au Canada pour lui… Aventure totale en Australie pour nous 2 en PVT… et ce n’est pas fini. Du coup, à l’heure actuelle, après une expérience en industrie pharma (mon domaine), j’ai profité du moment où mon mari a à son tour trouvé du travail dans son domaine pour me lancer en tant que rédactrice web indépendante pour encore davantage faciliter les déménagements internationaux, c’est plus facile s’il n’y en a qu’un qui est rattaché à une entreprise. Et puis on verra dans le prochain pays 😉

        Je te conseille de lire cet autre article si ce n’est pas déjà fait 🙂 https://myglobestory.com/2016/03/08/quelles-solutions-pour-partir/

  • Gramolini

    Je me retrouve dans ton article, né en France de parents italiens, j’ai vécu en Irlande, Espagne, Suisse désormais et me suis toujours senti citoyen du monde, terriens, ou les frontières n’existent pas officiellement, comme in peut le voir depuis l’espace.Le coeur des hommes est universel et on sait s’adapter à chaque endroit où l’on vit pour le faire qu’en. Cela me donne envie de repartir à nouveau.Merci, Bruno

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